Raiffeisen réinvente le modèle coopératif
La ZG Raiffeisen de Karlsruhe fait partie des cinq coops allemandes majeures.Son DG nous confie son amertume face à la situation actuelle et ses pistes pour demain.
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«La coopération est certainement le meilleur outil pour l'agriculture », affirme Ewald Glaser, directeur général de la coopérative allemande ZG Raiffeisen et membre du directoire depuis vingt et un ans. « Avec la mondialisation nous perdons nos repères. Il faut réinventer ce modèle au risque de le voir disparaître. »
Cette coop centenaire, qui a toujours été à la pointe de l'innovation et de la diversification, est dans le doute. « Nous n'arrivons plus à vivre de nos métiers traditionnels agricoles. » Comme tous ses collègues d'Outre-Rhin, afin de rester compétitif face aux négoces privés ou entreprises étrangères, la ZG a systématiquement privilégié les prix bas en appro et hauts en collecte, plutôt que la consolidation des marges de l'entreprise. « Notre niveau de fonds propres est bas. Il y a bien longtemps que l'on redistribue les marges possibles sur les intrants et l'aliment du bétail aux adhérents, poursuit le DG. En Allemagne contrairement à la France, les résultats des coopératives sont imposés à 35 %. » Ce manque de trésorerie les amène à restreindre de façon drastique les investissements.
Pour la première fois,une réduction des effectifs
Un autre phénomène sape le moral de la distribution allemande. La position de la société civile qui outre le fait d'un rejet systématique des produits chimiques, se manifeste de plus en plus face à la consommation de viande animale. « Ils ont comme référence les chiens et les chats, précise Ewald Glaser. Toute souffrance animale est considérée comme néfaste même si les Allemands restent des gros consommateurs de viande. » Une contradiction que les membres de la coop comme les éleveurs ont beaucoup de mal à vivre. Sans faire de parallèle avec nos Etats généraux de l'alimentation où jamais la puissance exportatrice de la France n'a été évoquée, l'Allemagne est dans le même paradigme avec un déni de l'apport de devises grâce à l'export agricole dans la balance commerciale. « Seuls deux sujets comptent pour l'Allemand moyen, l'environnement et l'immigration », confie Ewald Glaser. Aujourd'hui, « nous sommes amenés à devoir réduire le personnel pour la première fois de notre histoire, soupire le DG, du fait de la baisse des marges, de l'activité en recul à cause du climat, d'une masse salariale de plus en plus élevée, et de la forte fiscalisation.
La ZG Raiffeisen, basée à Karlsruhe, dans la province du Bade Wurtemberg, avecses 2 000 salariés, est l'un des principaux employeurs de la province. Tous les secteurs de l'entreprise vont être concernés. C'est d'ailleurs à la demande du conseil d'administrationcomposé de douze personnes, dont huit agriculteurs et quatre salariés (non dirigeants), que la décision de réduire les coûts et de se concentrer sur les activités rentables, essentiellement la diversification dans l'énergie, les matériaux de construction, le bois et le matériel agricole a été prise. La première victimea été la division huile alimentaire avec la marque Baargoldqui a été vendue.
Se concentrersur les activités rentables
La situation économique allemande avec un taux de chômage historiquement bas, 5 % de la population active, ne favorise pas la coopérative dans sa politique de recrutement, notamment pour trouver des chauffeurs de camion, tant la demande est forte. En outre, elle est obligée de s'aligner sur les hausses de salaires pratiquées dans l'industrie et les services, soit plus de 10 % en cinq ans, pour garder ses employés.
Cette situation nouvelle a amené Ewald Glaser et son conseil d'administration à proposer une autre stratégie depuis dix ans. « Puisque l'agriculture ne paie plus et que nous voyons le nombre d'agriculteurs continuer à baisser, la ZG doit trouver de nouveaux marchés en dehors de l'agriculture. » La coop est devenue la 5e entreprise du pays pour le matériel de construction. Cette activité emploie aujourd'hui plus de 400 collaborateurs et ne cesse de grandir. Dans l'énergie, Raiffeisen propose aux autres coops allemandes, mais aussi à des entreprises locales, de massifier les achats via sa filiale EnoCom, dans un marché devenu totalement libre. Un réseau de pompe à essence lui permet de distribuer du biodiesel et d'être revendeur d'essence. Enfin, le réseau de magasins verts est en forte progression avec 85 M€ de CA et 400 salariés.
« Nous sommes également très à l'écoute sur ce qui se passe en France sur les CEPP et la séparation du conseil et de la vente, car on sent que cela pourrait servir d'exemple pour certains politiques allemands. »
Des alliances en Europe
« Notre stratégie passe aussi par un réseau d'alliances en Europe, non pas comme la BayWa de façon internationale, avec une vingtaine de pays, mais avec d'autres coopératives de pays voisins », que l'on connaît bien comme la Cac à Colmar (réseau Trèfle vert et synergie industrielle), la Fenaco (magasins verts et petfoods), RVA (aliments du bétail).
Et pour les cinq prochaines années, Ewald Glaser pointe deux axes forts de développement. « Nous voulons être le leader de la digitalisation en Allemagne. Déjà 700 robots de traite ont été installés.Nous travaillons sur l'agriculture de précision avec la création d'une filiale spécifique agriculture 4.0, avec un bémol, c'est qu'il n'y a pas de schéma leader en Allemagne et que nous développons les logiciels des fabricants de matériels qui ne sont pas forcément cohérents entre eux. » Le second est le bio car la demande est très forte. « Les politiques allemands ont annoncé que 20 % de la consommation du pays d'ici à cinq ans devrait être bio alors qu'elle est aujourd'hui inférieure à 5 % et ceux du Bade Wurtemberg souhaitent monter à 30 %. »
Christophe Dequidt
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